Un commentaire éclairant sur les « Six portes vers le présent » écrit par Sabine Dewulf

Ce week-end, sur ma page facebook, j’ai le grand plaisir de vous présenter ce nouveau livre des éditions dirigées par Jean-Louis Accarias dont je viens d’achever la lecture : Svâmi Prajnânpad, « Six portes vers le présent – Entretiens avec Daniel Roumanoff », Traduction et mise en forme de Colette Roumanoff, ACCARIAS / L’ORIGINEL, 2024.

Svâmi Prajnânpad est l’un des grands maîtres spirituels de l’Inde. Aussi un livre portant sur ses enseignements est-il toujours bienvenu et précieux. Mais celui-ci est d’autant plus important qu’il correspond aux seuls entretiens que Daniel Roumanoff, l’un de ses élèves français, ait enregistrés. Nous tenons donc entre nos mains un document d’un intérêt exceptionnel. 

Ces portes vers le présent sont six conversations qui se sont déroulées en 1972, avant et après une troisième (et dernière) série de lyings auprès de Svâmiji. Elles sont précédées d’un avant-propos de Colette Roumanoff, qui replace ces entretiens dans leurs différents contextes, du plus restreint au plus large, et d’une introduction rédigée par Daniel Roumanoff lui-même en 1986, en réponse à des critiques formulées par deux philosophes après la soutenance de sa thèse, laquelle portait sur l’enseignement de Svâmi Prajnânpad.  (Swami Prajnanpad, un maitre contemporain en deux tomes chez AlbinMichel)

Chaque dialogue est présenté par un petit texte de Colette Roumanoff qui récapitule très utilement les différents thèmes qui y sont abordés. Le livre se conclut par sa postface qui, elle-même, s’achève par cette phrase importante : « C’est le travail de toute une vie et un nouveau travail pour chaque journée. »

Les paroles du maître se caractérisent par une grande brièveté et sont dépourvues de liens logiques. Cet enseignement toujours vivant (très précisément adapté à l’élève) est dispensé par touches successives, juxtaposées, régulièrement entrecoupées d’une histoire notée en caractères italiques (une sorte de fable ou une anecdote vécue par le maître) et destinée à illustrer le propos d’une manière à la fois imagée et concrète. En effet, Svâmi Prajnânpad cherche à entrer peu à peu dans le détail de ce qui lui est exposé en épousant de près le mouvement que prend l’entretien. Tour à tour, il répond et interroge, dans un esprit socratique. 

En début de réponse, la répétition d’une formule de Daniel Roumanoff ou encore un « Oui » interviennent souvent. Ce OUI est au fondement d’un enseignement qui consiste, pour l’essentiel, à accueillir le réel tel qu’il se présente – ou encore « la nature ». Cependant, dans le discours du maître, les nuances sont constamment à l’œuvre, à l’image exacte des nuances dont est faite la complexité des situations. Ainsi le non et le oui demandent-ils à coexister : « Non également dans la vie professionnelle. Mais oui relativement dans une certaine mesure. »

Il est intéressant aussi de suivre le cheminement de l’apprenti disciple dans ces entretiens. Daniel Roumanoff fait ainsi part de ses découvertes et de ses tentatives, de ses échecs momentanés également, qu’il s’agisse de sa vie de couple, de père de famille ou de ses activités professionnelles. Le dialogue restitue le mouvement dans lequel cette quête s’accomplit, avec ses ébauches et ses réussites, et tout le recommencement que supposent certaines étapes : « D. Comme il y a eu tant d’années de refoulement, des émotions peuvent encore être réprimées. / S. Oh ! Oui. […] Et vous verrez que la durée de l’expression de l’émotion va se raccourcir de plus en plus. »

A ces six portes correspondent six grandes thématiques, que je reformulerai ainsi : 

1. Le rôle du ressenti dans les relations effectives. 

2. L’action véritable, dégagée des obligations et de la division intérieure. 

3. La manière dont il convient de se situer par rapport aux émotions. 

4. Les critères concrets d’une action authentique. 

5. L’organisation de la vie pratique au quotidien. 

6. L’importance de l’attention consciente pour vivre le présent. 

Et pour terminer, voici mon florilège de citations de Svâmi Prajnânpad, dans ce livre :

« Une super personne est celle qui ne fait que donner. Il n’y a plus que le don. » 

« En fait, toutes les relations naissent du vécu des relations de l’enfance. Et ce sentiment se prolonge dans la vie en société. »

« La nature n’a pas été autorisée à faire son travail. Dans le lying, que fait-on ? On permet à la nature de travailler. Dans ce processus, la cause et l’effet sont présents. Cette loi de la cause et de l’effet est généralement niée dans la vie consciente. »

« Dans la vie sociale, la règle fondamentale ou le fondement est de donner et de recevoir. Pas prendre d’abord et donner ensuite. Voyez toujours comme fonctionne la nature. »

« Allez à la racine fondamentale : « Pourquoi cette émotion ? » L’émotion n’apparaît que lorsque je ne vois pas une chose telle qu’elle est, mais que je la prends pour quelque chose d’autre. »

« Vous ne devez pas faire de suppositions. »

« Mais voyez, l’émotion vient, vient. Et quand elle s’apaise, la compréhension vient. Et quand la compréhension vient, l’émotion s’en va. »

« Répéter… répéter… répéter… en ne tenant aucun compte du temps… en ne tenant aucun compte du nombre de fois. »

« Aujourd’hui ne s’arrête jamais. »

« Tout est si simple et si facile mais le mental rend tout complexe. »

« Il faut être strict et non pas sévère. »

« […] essayez toujours d’être sincère envers vous-même et vous ne pourrez qu’être sincère envers l’autre. »

« Vous devez voir. Vous devez questionner et prenez chaque point.»

« Avant d’agir, il faut sentir. Sentir d’abord, puis décider, ensuite agir. Mais ce sentiment doit être un sentiment et non pas une identification émotionnelle. »

« Je suis ce que je suis, sans aucune référence à personne d’autre. »

« Si vous n’êtes pas conscient, vous ne pouvez rien connaître. C’est le point essentiel. »

« Accomplissez le présent pleinement et alors la croissance est inévitable. Sinon cette croissance apparente sera fausse. »

« L’indépendance vraie, c’est l’auto-dépendance. »

« Vous ne pouvez pas vous fermer, mettre un mur entre vous et la société. »

« Tant qu’il n’y a pas d’expérience et de contact direct, on ne peut pas dire ce que c’est

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